
« M. Danhler inc.- Idées. »
D’un indiscutable bon gout, l’enseigne sculptée en acajou montrait tout- de -meme les signes du passage du temps, bien que la dorure des lettres fusse encore efficace. Et les rampes en fer forgé aux motifs rappelant les volutes compliquées des dessins liminaires de livres anciens auraient nécéssité une nouvelle couche de peinture noire. De toute évidence, ce monsieur Danhler n’était pas nouveau en affaires.
Comment ce faisait-il que je n’aie jamais vu cette boutique avant, alors que j’habitais ce quartier de Londres depuis maintenant près de trois ans?!
Dieu sait que j’en avais pourtant parcouru chaque recoin, à chaque jour, comme si j’allais finir par trouver sur le pavé du fond de quelque ruelle la recette pour achever ce damné roman!
Intrigué, je gravis l’escalier sous les premières gouttes d’une averse qui s’annoncait et poussai la porte.
Il régnait à l’intérieur l’odeur typique des vieilles librairies, entrelacée de celle plus inattendue du clou de girofle. En se refermant, la porte avait soulevé un petit nuage de poussière révélant les colones argentées de puits de lumière. Les murs étaient couverts de haut en bas et de long en large de tablettes de noyer noir portant de tous petits chevalets de bois, supportant chacun ce qui devait etre un minuscule tableau occulté d’un morceau de tissu couleur sang-de-boeuf.
Au fond de la pièce, un comptoir également en noyer, poli et patiné par le temps et l’usure jusqu’à lui donner un aspect de vieux cuir.
La faible lumière grise de fin d’apres-midi coulant d’un des puits y éclairait les cuivres d’une caisse enregistreuse qui eut fait le bonheur, et le mois, de n’importe quel antiquaire.
Et derrière le comptoir se tenait droit, immobile et sorti d’une autre époque, M.Danhler.
Vetu d’un costume noir qui eut sans doute réjoui à nouveau l’antiquaire, l’homme me dépassait d’une bonne tete, qu’il ornait en plus d’un chapeau haut-de-forme lui donnant avec ses moustaches cirées l’air du maitre de piste d’un cirque d’époque.
-Bonjour monsieur, dit-il d’une voix grave en s’inclinant légèrement et en pincant le bord de son chapeau.
Je retrouvai la voix juste avant de froisser les anglaises convenances qu’à n’en pas douter M.Danhler cultivait religieusement.
-Monsieur, fis-je en m’inclinant aussi. Puis:
- Pardonnez mon indiscrétion je vous prie; mais il me semble n’avoir jamais remarqué votre boutique avant!
-Ah bon? Il y a pourtant fort longtemps que notre famille possède ce petit commerce…Peut-etre monsieur aura-t-il été distrait par les devantures plus…disons évidentes de nos voisins?
Nous préférons personellement plus humble affiche. Et notre clientèle sait toujours ou nous trouver…
Il laissa sa phrase en suspens le temps d’un sourire discret et poursuivis.
Mais que pouvons-nous faire pour monsieur aujourd’hui?
-Eh bien, hésitai-je, …À vrai dire, je ne sais trop! Je suis entré par curiosité je l’avoue. Tout cela, montrai-je en balayant la pièce du regard, ce sont…des aquarelles?
M.Danhler eut un autre sourire, remontant la pointe droite de son improbable moustache. Relevant un pan du comptoir, il traversa et me rejoignit près d’un présentoir en ilot dont il ouvrit les portes vitrées pour y prendre du bout des doigts un petit chevalet qu’il me tendit respectueusement.
Je déposai mon parapluie contre l’ilot, recut le délicat objet et soulevai lentement le pan de tissu qui dissimulait le tableau.
C’était plutot un petit écriteau, sur lequel étaient imprimées quelques phrases. Je pris mes lunettes dans la poche intérieure de ma veste.
Et y lus quelques lignes en tous petits caractères résumant la trame d’un roman policier.
Mon roman policier…
Mais mille fois meilleur! Et avec ce rebondissement à la fin que je cherchais depuis si longtemps, ficellé comme il ne me serait jamais venu de le faire…
Je me mis à trembler.
M.Danhler me reprit calmenent l’objet, le recouvrit et le replaca sur une tablette du présentoir.
-Des idées, monsieur. Nous vendons des idées. Les meilleures idées.
Il était tout près de moi, à tel point que je dus incliner la tete en arriere un peu pour le regarder.
Il était imperturbable.
Je me détournai, fis un pas en arrière, et tendis la main vers un autre chevalet, qu’il me laissa prendre seul cette fois.
Celui-ci décrivait mieux que je n’eus jamais pu le faire le personage du lieutenant de police que j’avais à peine esquissé en des mois de travail hardu.
Et un autre petit panneau expliquait comment enrichir le complot meme en supprimant des chapitres entiers de facon si efficace, si évidente, que je fus envahi de ce vertige qu’apportent souvent les révélations…
-Mais…Je ne comprends pas…Comment…, balbutiai-je.
-Si monsieur est indécis; nous offrons un plan mise-de-coté qui…
-Non non, je…Combien? Combien elles coutent…
-Monsieur tombe bien!, répondit le commercant, apparement inconscient de mon état. Nous avons ce mois-ci…
L’absurdité du ton banal de la discussion devant si extraordinaire phénomène avait fini par engendrer en moi ce que pareil mélange entraine toujours: l’épouvante qui prend lentement la place de la raison assomée…
Je contournai le grand homme sombre et me précipitai vers la porte.
-…Monsieur, vous oubliez votre…
Je me trouvais à la devanture d’une boutique que je n’avais encore jamais remarquée. Pourtant!
Il pleuvait dru et un vent froid se levait. Au loin, on entendait battre un volet mal fixé.
Mais ou était donc passé mon parapluie?…Il me semblait bien l’avoir pris en sortant de chez moi…Il pleut toujours à Londres en novembre.
Certains jours, j’avais l’impression que c’était cette pluie incessante qui finissait par noyer mon imagination et dissoudre toute inspiration…
Un bruit derrière moi me fit sursauter.
Le propriétaire de la boutique sans doute; un grand homme aux habits noirs vétustes me souriait dans la vitrine et me faisait signe, tenant à la main…mon parapluie!
J’entrai.
L’épouvante sent presque toujours les épices. Et très souvent le clou.
M.Danhler se placa devant la porte refermée, alors que je me remettais à trembler.
-Vol à l’étalage, monsieur?
M.Danhler ne souriait plus.
-Sachez ceci monsieur; le vol est impossible. Nos idées sont protégées. Nous n’avons jamais eu de vol. Alors; désirez-vous ouvrir un compte ou voudriez-vous régler maintenant?
Comme j’allais vous le souligner; nous avons ce mois-ci une offre extraordinaire.
Pour chaque nouveau client que vous nous aurez référé, nous vous offrons tout-à-fait gratuitement une idée!
M.Danhler sourit de nouveau. Mais cette fois plus que pour simplement relever ses admirables moustaches...
M,Danhler sourit à pleines dents…
________________
Le succes dépassa toute espérance. Le Pulitzer, la couverture du Times, le livre du mois d’Oprah…
Et les séances de signatures, bien sur!
Cet après-midi là, il pleuvait à boire debout à San Francisco.
Quand j’entrai dans la grande salle, il y avait déja une file interminable d’admirateurs trépignants, serrant dans leur bras une copie de mon livre comme s’il s’était agi d’un passeport pour l’éternité.
Je pris place derrière le bureau et on fit signe à une jeune fille d’avancer.
-À quel nom? Dis-je en retirant ma plume de ma poche.
Rachel . Rachel Morgan, souffla-t-elle nerveusement . Je peux vous poser une question?
-Allez-y Rachel!
-Ou trouvez-vous toutes vos idées?…......
D’un indiscutable bon gout, l’enseigne sculptée en acajou montrait tout- de -meme les signes du passage du temps, bien que la dorure des lettres fusse encore efficace. Et les rampes en fer forgé aux motifs rappelant les volutes compliquées des dessins liminaires de livres anciens auraient nécéssité une nouvelle couche de peinture noire. De toute évidence, ce monsieur Danhler n’était pas nouveau en affaires.
Comment ce faisait-il que je n’aie jamais vu cette boutique avant, alors que j’habitais ce quartier de Londres depuis maintenant près de trois ans?!
Dieu sait que j’en avais pourtant parcouru chaque recoin, à chaque jour, comme si j’allais finir par trouver sur le pavé du fond de quelque ruelle la recette pour achever ce damné roman!
Intrigué, je gravis l’escalier sous les premières gouttes d’une averse qui s’annoncait et poussai la porte.
Il régnait à l’intérieur l’odeur typique des vieilles librairies, entrelacée de celle plus inattendue du clou de girofle. En se refermant, la porte avait soulevé un petit nuage de poussière révélant les colones argentées de puits de lumière. Les murs étaient couverts de haut en bas et de long en large de tablettes de noyer noir portant de tous petits chevalets de bois, supportant chacun ce qui devait etre un minuscule tableau occulté d’un morceau de tissu couleur sang-de-boeuf.
Au fond de la pièce, un comptoir également en noyer, poli et patiné par le temps et l’usure jusqu’à lui donner un aspect de vieux cuir.
La faible lumière grise de fin d’apres-midi coulant d’un des puits y éclairait les cuivres d’une caisse enregistreuse qui eut fait le bonheur, et le mois, de n’importe quel antiquaire.
Et derrière le comptoir se tenait droit, immobile et sorti d’une autre époque, M.Danhler.
Vetu d’un costume noir qui eut sans doute réjoui à nouveau l’antiquaire, l’homme me dépassait d’une bonne tete, qu’il ornait en plus d’un chapeau haut-de-forme lui donnant avec ses moustaches cirées l’air du maitre de piste d’un cirque d’époque.
-Bonjour monsieur, dit-il d’une voix grave en s’inclinant légèrement et en pincant le bord de son chapeau.
Je retrouvai la voix juste avant de froisser les anglaises convenances qu’à n’en pas douter M.Danhler cultivait religieusement.
-Monsieur, fis-je en m’inclinant aussi. Puis:
- Pardonnez mon indiscrétion je vous prie; mais il me semble n’avoir jamais remarqué votre boutique avant!
-Ah bon? Il y a pourtant fort longtemps que notre famille possède ce petit commerce…Peut-etre monsieur aura-t-il été distrait par les devantures plus…disons évidentes de nos voisins?
Nous préférons personellement plus humble affiche. Et notre clientèle sait toujours ou nous trouver…
Il laissa sa phrase en suspens le temps d’un sourire discret et poursuivis.
Mais que pouvons-nous faire pour monsieur aujourd’hui?
-Eh bien, hésitai-je, …À vrai dire, je ne sais trop! Je suis entré par curiosité je l’avoue. Tout cela, montrai-je en balayant la pièce du regard, ce sont…des aquarelles?
M.Danhler eut un autre sourire, remontant la pointe droite de son improbable moustache. Relevant un pan du comptoir, il traversa et me rejoignit près d’un présentoir en ilot dont il ouvrit les portes vitrées pour y prendre du bout des doigts un petit chevalet qu’il me tendit respectueusement.
Je déposai mon parapluie contre l’ilot, recut le délicat objet et soulevai lentement le pan de tissu qui dissimulait le tableau.
C’était plutot un petit écriteau, sur lequel étaient imprimées quelques phrases. Je pris mes lunettes dans la poche intérieure de ma veste.
Et y lus quelques lignes en tous petits caractères résumant la trame d’un roman policier.
Mon roman policier…
Mais mille fois meilleur! Et avec ce rebondissement à la fin que je cherchais depuis si longtemps, ficellé comme il ne me serait jamais venu de le faire…
Je me mis à trembler.
M.Danhler me reprit calmenent l’objet, le recouvrit et le replaca sur une tablette du présentoir.
-Des idées, monsieur. Nous vendons des idées. Les meilleures idées.
Il était tout près de moi, à tel point que je dus incliner la tete en arriere un peu pour le regarder.
Il était imperturbable.
Je me détournai, fis un pas en arrière, et tendis la main vers un autre chevalet, qu’il me laissa prendre seul cette fois.
Celui-ci décrivait mieux que je n’eus jamais pu le faire le personage du lieutenant de police que j’avais à peine esquissé en des mois de travail hardu.
Et un autre petit panneau expliquait comment enrichir le complot meme en supprimant des chapitres entiers de facon si efficace, si évidente, que je fus envahi de ce vertige qu’apportent souvent les révélations…
-Mais…Je ne comprends pas…Comment…, balbutiai-je.
-Si monsieur est indécis; nous offrons un plan mise-de-coté qui…
-Non non, je…Combien? Combien elles coutent…
-Monsieur tombe bien!, répondit le commercant, apparement inconscient de mon état. Nous avons ce mois-ci…
L’absurdité du ton banal de la discussion devant si extraordinaire phénomène avait fini par engendrer en moi ce que pareil mélange entraine toujours: l’épouvante qui prend lentement la place de la raison assomée…
Je contournai le grand homme sombre et me précipitai vers la porte.
-…Monsieur, vous oubliez votre…
Je me trouvais à la devanture d’une boutique que je n’avais encore jamais remarquée. Pourtant!
Il pleuvait dru et un vent froid se levait. Au loin, on entendait battre un volet mal fixé.
Mais ou était donc passé mon parapluie?…Il me semblait bien l’avoir pris en sortant de chez moi…Il pleut toujours à Londres en novembre.
Certains jours, j’avais l’impression que c’était cette pluie incessante qui finissait par noyer mon imagination et dissoudre toute inspiration…
Un bruit derrière moi me fit sursauter.
Le propriétaire de la boutique sans doute; un grand homme aux habits noirs vétustes me souriait dans la vitrine et me faisait signe, tenant à la main…mon parapluie!
J’entrai.
L’épouvante sent presque toujours les épices. Et très souvent le clou.
M.Danhler se placa devant la porte refermée, alors que je me remettais à trembler.
-Vol à l’étalage, monsieur?
M.Danhler ne souriait plus.
-Sachez ceci monsieur; le vol est impossible. Nos idées sont protégées. Nous n’avons jamais eu de vol. Alors; désirez-vous ouvrir un compte ou voudriez-vous régler maintenant?
Comme j’allais vous le souligner; nous avons ce mois-ci une offre extraordinaire.
Pour chaque nouveau client que vous nous aurez référé, nous vous offrons tout-à-fait gratuitement une idée!
M.Danhler sourit de nouveau. Mais cette fois plus que pour simplement relever ses admirables moustaches...
M,Danhler sourit à pleines dents…
________________
Le succes dépassa toute espérance. Le Pulitzer, la couverture du Times, le livre du mois d’Oprah…
Et les séances de signatures, bien sur!
Cet après-midi là, il pleuvait à boire debout à San Francisco.
Quand j’entrai dans la grande salle, il y avait déja une file interminable d’admirateurs trépignants, serrant dans leur bras une copie de mon livre comme s’il s’était agi d’un passeport pour l’éternité.
Je pris place derrière le bureau et on fit signe à une jeune fille d’avancer.
-À quel nom? Dis-je en retirant ma plume de ma poche.
Rachel . Rachel Morgan, souffla-t-elle nerveusement . Je peux vous poser une question?
-Allez-y Rachel!
-Ou trouvez-vous toutes vos idées?…......
6 commentaires:
Bonne année messieurs
MESsieurs???!
Tu parles de M.Danhler?
(à ta place je n'entreprendrais pas de mondanités avec ce type...!)
Une excellente année à toi aussi.
P.S: j'ai fait une carte postale! Un mail-art, je crois!
Je l'envoies ou?
ADRESSE: Bernarda Macchi
LOS CEIBOS 1920 C.P.(4107)
YERBA BUENA
TUCUMAN
ARGENTINA
et si ça te tente de continuer, va voir mon blog
http://car-mailart.blogspot.com
et
http://denis.charmot.free.fr
et clik sur projets
y'en a à la tonne mais ce sont 2 bons points de départ, surtout celui de Denis.
Chantal
Vous ai-je dis mon cher Sire Chicken à la King que votre talent pour l'écriture n'a que d'égal votre talent indiscutable pour l'illustration de la vie et son décor dans leur plus splendide lumière et beauté?
Ne cessez pas de peindre, et de grâce, continuez d'écrire!
Dame Eila
OUAAAAHHHHH!!!!!!!!!!!!!
"Chicken à la king"!!!
Sti qu'est bonne!
Merci vous-là!
Met-zzzz-en qu'est bonne.
pis vous avez ben raison Dame Eila!!!
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