vendredi 25 juin 2010

Le virage

Dans certains endroits flottent des parfums de muscade et de vanille et de clou, que pourtant rien n'exhale. Et vous le savez quand vous y arrivez, que rien ici ne procède des lois normales, et que c'est moins un bout de chemin que vous découvrez qu'un paysage qui vous examine.
Et vous vous sentez fatigués tout-à-coup, alors que cette torpeur qui vous envahit lentement n'est pas celle du sommeil mais un genre d'hypnose que le silence étrange des oiseaux vous convie à ignorer...

Il s'agit pourtant des mêmes arbres, des mêmes prés, des mêmes fleurs des champs attachées au cheveux verts des coteaux que vous admiriez tantôt! Mais ici, juste après ce virage de la petite route de campagne et la petite croix de bois blanche, tout baigne dans une lumière plus épaisse, qui coule comme du miel sur les beautés patientes devenues fascinantes de lenteur.
Et chaque ombre est maintenant beaucoup plus profonde, habitée, comme celle que l'on fait du revers de la main sur son propre regard quand il nous semble avoir vu bouger au loin...

De temps en temps, roulant lentement, vous apercevez au bout d'une longue allée une maison dont il vous semble connaître l'histoire, habitée de fantômes dont vous comprenez maintenant qu'il ne faut pas avoir peur.
Dont il ne sert à rien d'avoir peur...

Et vous croisez trois petites filles à bicyclette qui vous regardent comme si elles vous connaissaient, puis glissent sans bruit hors de votre vision. Ont-elles souri?...

Comme il serait bon et facile de rester. Garer l'auto sous ce grand saule et marcher vers la vieille maison blanche d'ou vous entendez, vous semble-t-il, des rires et des invitations à diner. Et vous pourriez vous bercer sur le balcon, laisser vos paupières se fermer, la tête emplie de langueur et de parfums de vanille qui n'exhalent de nulle-part...
Fermer les yeux juste une minute ou deux...

Rêver aux cheveux des femmes fantômes, qui sentent la vanille... 

1 commentaire:

Nathalie C. a dit...

Quel beau tableau!
J'veux dire, réelement, ce tableau que tu as peint de tes mots est si invitant, empreint de douceur et de repos.

Comme la musique en trame d'un grand film, les images flottent derrière mes yeux alors qu'ils parcourent les lignes, savourant chaque mot.

Merci pour la balade!
Nathalie