DES PLEURS BLEUS

4x6-Roberto! Mio palmo!

Le plouf bruyant dans un nuage de petites bulles blanches effervescentes, un instant de désorientation, puis les bulles disparaissent en remontant lentement. Le rideau se lève sur un monde bleu à l'horizon, et extravaguant de couleurs plus bas.
Sur la pente assez abrupte gît une épave qui s'est laissé pousser les cheveux au fil des décades. Des cheveux multicolores de coraux de toutes formes, envahissant la vieille structure orangée de rouille.
Des banc de poissons s'y affairent comme des touristes dans un marché aux puces, traversés de temps en temps par les longs rubans mauves des troupes de chirurgiens à la recherche d'algues filamenteuses.
De gros anges royaux apparaissent et disparaissent, les bancs de créoles crépitent comme des étinceles bleues, et tout ce petit monde ne porte pas la moindre attention à moi.
Mais c'est en bas, sur le plateau sablonneux qui retient la poupe, que nous allons.
Nous n'y sommes que depuis quelques minutes, et je me balance doucement au rythme de la houle sur le bout de mes palmes, quand apparait déjà celui que nous esperions.
Le requin-bouledogue, énorme, croise devant nous, surgi du brouillard bleu, ondulant gracieusement comme la machine parfaite qu'il est. C'est une grosse femelle, pleine.
Elle ne fait que trois passes, pour voir qui sont ces intrus bruyants, puis retourne dans son monde.
Je pleure dans mon masque, à grands sanglots incontrôlables.
Je n'ai jamais rien vu d'aussi puissant, d'aussi élégant.
C'est à cet instant que je ressens quelque chose me toucher l'intérieur de la cuisse.
Une grande murène verte serpente entre mes jambes, et le guide me regarde les yeux écarquillés, me fait signe de ne pas bouger.
Je n'en ai aucune envie.
Doucement, l'animal nous inspecte lui aussi, puis retourne satisfait sous l'épave qu'il s'est appropriée.

Nous remontons bientôt lentement, visitant le bateau coulé, et s'il est magnifique et peuplé de petits êtres multicolores, c'est encore le requin qui nage devant moi, me semble-t-il...Je suis incapable de me détacher de son image.

J'avais plongé avant ce jour là, bien que relativement peu, et j'étais encore débutant.
Mais quand je fus de retour sur la plage, je regardai une derniere fois vers le large, et les larmes coulèrent encore.
Je serais toujours un débutant. Je serais toujours l'élève.
Je sus à ce moment que je ne me lasserais plus jamais de tant de beauté.

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Peace