mardi 27 décembre 2016



JUSTE LE TEMPS


Qui mène là où elles vont les feuilles mortes
Quand les vents gris de novembre les emportent
Elles n’en savent rien
Ni au début ni à la fin

Et puis moi je les suis
Je pars j’arrête je cours
Je tourbillonne étourdi
Départs et retours
Je m’éparpille et me réunis

Je jubile et je m’ennuie

Par-dessus les champs de grandes herbes couchées
Épuisées lourdes gorgées saoules d’été
Entre les barbelés des clôtures fatiguées
Les feuilles orphelines comme si de rien n’était
S’approchent enfin d’où elles allaient

Une maison qui ne sert plus à rien
À la peinture blanche écaillée
Au bout d’une longue allée
Près d’une croisée de chemins
Une maison jadis bien habitée
Aux planchers salis de traces de pas
De terre humide du potager
Les légumes trop pleins les bras
Pour pouvoir se déchausser

Il n’y a rien de triste elle n’est pas morte
C’est qu’elle a chanté sa chanson
D’ailleurs on a pas fermé la porte
Après les dernières moissons
Au cas où quelqu’un viendrait
Avec à suspendre aux fenêtres
Des dentelles qui frémiraient
D’autres espoirs et des enfants peut-être

Les feuilles et moi entrons impolis
En coup de vent, sans s’annoncer
Et nous réveillons un silence endormi
D’une trainée de notes froissées

Mes sœurs se déposent
Moi je fais le tour
Les murs nus ont gardé l’amour
Des souvenirs et des belles choses
On le sent dans cette teinte de sauge
Ce parfum de thym
Que goûtent encore l’air serein
Et les fleurs des papiers peints

Où s’en sont-ils allés
Ceux qui les avaient semées
Pourquoi sont-ils partis
Qu’est-ce qu’ils ont trouvé
qui vaille mieux qu’ici

Je pourrais m’étendre moi aussi
M’endormir comme une volée de feuilles
Sans faire exprès mise à l’abri
Doit-on vraiment faire son deuil
D’hier pour aujourd’hui

Les murs des pires prisons sont ouverts
Percés de portes et fenêtres
C’est à vouloir devenir maître
Qu’on demeure a jamais serf

Que j’avance ou revienne
que j’oriente ou occidente
Que j’ose ou rien ne tente
Suis-je dans cette pièce démente
Forcé de ne jouer qu'une scène



Mais il me vient une idée
Je cours et je vole en riant
J’ouvre volets et croisées
Et laisse entrer le vent
Qui sans attendre un instant
soulève les feuilles reposées

Tourbillons et arabesques
Gigues rondes et cabrioles
Nous repartons loufoques et burlesques
Par vaux et monts jours et nuits
Tantôt orioles tantôt lucioles
Libres et affranchis

Il n’y a rien d’écrit dans mon livre
Si je n’en tourne les pages
Pas d’images rien à vivre
Mes jours ne sont à suivre
Que si j’en observe le passage

Alors je choisis le vent
Je ne commence rien je n’arrive jamais
Le voyage dans le temps
N’est possible que maintenant
Chevaucher l’instant
Reposer en paix

3 commentaires:

Marie-Claude Courteau a dit...

Vraiment magnifique.

Anonyme a dit...

Je viens de découvrir ton texte. Les mots, comme tes tableaux, font voyager. Merci.
Marcelle

Anonyme a dit...

Jean-Louis, Je n'avais pas lu ce poème. Que d'images, que de riches mots poir les traduire. Tu peins aussi avec des mots. Surtout tu provoque des émotions. C'est ça l'Art ! merci Cousin XX

Louise à Blanche